28 septembre

La pluie tombe depuis quelques jours sans discontinuer. Mes projets de faire du feu avec les enfants tombent à l’eau. Mais que faire ? L’adage en vogue dans l’éducation du dehors (adage qui nous viendrait de Scandinavie) veut qu’il n’y ait pas de mauvais temps, mais seulement des mauvais habits, et pour ainsi dire c’est le jeu et il faut bien le jouer. Mais rien n’interdit de s’arranger un peu : et si nous allions découvrir une grotte les enfants ? Voilà une idée qui a du succès.

Nous traversons le camping, puis empruntons le chemin des Vignaux qui mène au pont Battant. Petite discussion botanique avec mes voisins de file. Un petit érable se présente justement : vous reconnaissez cette feuille ? Et, est-ce que ça fait des fruits l’érable ? Nous regardons les samares, en parlant au-dessus du bruit de La Bonne qui passe ici dans un goulet et sous le pont.

larguez les samares
larguez les samares

Oh ! Nous sommes plusieurs à avoir la même idée : au milieu du pont, nous jetons dans le vide nos petits hélicoptères d’érable : la pluie drue, le pont battant, les akènes qui tournoient, le courant rugissant qui les emportent. Quelle chute : voilà un spectacle ! Les enfants en redemandent.

J’essaie de placer quelques idées de botanique sur la diffusion des graines, mais le jeu est trop intense. Peut-être quand ils seront passés à autre chose, en reprenant la route. Mais non… un peu plus loin, ils sont passés à autre chose, justement. Il n’y a qu’un professeur ici : mettre dehors. J’assiste.

Nous voilà maintenant à la grotte des sarrasins. Je suis surpris des enfants qui la repèrent au premier coup d’oeil dans le sous-bois. L’imagination déborde parfois un peu, mais ne s’oriente pas si mal que cela. L’entrée est étroite, et la cavité – une petite chambre – limitée mais confortable. Je voudrais que chacun, l’un à la suite de l’autre, prenne le temps de découvrir le lieu en solitaire et de faire son expérience « au coeur de la Terre ». Ce n’est pas un rite de passage, mais quelque chose se franchit assurément. Les enfants se prêtent au jeu, avec un peu d’émotion je crois. Je reste dehors avec ceux qui veulent bien aménager toute la partie sous roche qui nous fait un abri ou tailler des bout de bois et regarder la pluie qui suinte des feuilles, des branches, des champignons, de la mousse.

le sous-bois d'automne
le sous-bois d'automne
L'entrée étroite vers le coeur de la Terre, réservée, de fait, aux enfants
L'entrée étroite vers le coeur de la Terre, réservée, de fait, aux enfants

Peu à peu, l’espace s’est dépeuplé autour de moi. Tous les enfants à l’aise avec la pénombre, les araignées et leurs cocons, ont rejoint l’intérieur, se racontent des histoires, jouent, imaginent découvrir de l’argent, repèrent des inscriptions sibyllines. Leurs voix me parviennent, assourdies. Ils sont entrés dans un monde extraordinaire. Une grotte où un adulte entre à peine (j’ai peiné à me faufiler quand je l’ai visitée). Ils sont archéologues, spéléologues, géologues, mineurs, explorateurs. La grande aventure !

Le jeu (un jeu sans surveillance, hors du regard adulte), la magie du lieu : tout est là, le reste est en trop.

les cocons d'araignées cavernivcoles, source d'émotions variées et contradictoires
les cocons d'araignées cavernivcoles, source d'émotions variées et contradictoires

Retour par le même chemin, sous la pluie, histoire de se tremper un peu. On était dehors tout de même tout l’après-midi malgré le temps pourri ! Non : on le sait tous, il n’y a pas de mauvais temps, pour de vrai, il n’y a que de mauvais abris.